تقديم
تتميز مسرحية "دموع بالكحول" للكاتب عصام اليوسفي و الحائزة على جائزة التأليف المسرحي بالمهرجان الوطني للمسرح الاحترافي بمكناس في دورة 2013، بعدة نقاط أهمية تتوزع على أكثر من مستوى سواء تعلق الأمر بزمن الكتابة أو تقنية الكتابة الدرامية ومرجعيتها العالمية، أو بذكاء اختيار الشخصيات والمواقف. تخفي بساطة الكتابة والحكي، جهدا هائلا في اختزال القضايا الكبرى وفهما عميقا لشبكة العلاقات الاجتماعية والنفسية والثقافية التي تجمع الناس على أرضية اختلافهم في الجنس، في المعتقدات وفي الأحلام والمصائر. يستوي زمن الكتابة في فترة ما بعد إفرازات مغرب 20 فبراير 2011 والأسئلة الحارقة التي أعادها للسطح وللطرح، أسئلة تستنطق موضوع السلطة، كانت سياسية أم دينية أم علاقاتية جنسية، وهذه نقطة أهمية ثمينة تحسب لنص "دموع بالكحول" إذ يعد من الكتابات المسرحية القليلة إن لم نقل الوحيد والمبادر لاقتناص تلك اللحظة التاريخية وإعادة صياغة أسئلتها وهواجسها بحبكة درامية بعيدة عن الافتعال والمباشراتية. تنطوي العلاقات (علاقات شخصيات المسرحية فيما بينها) المقترحة في العمل المسرحي، على ذكاء متميز من حيث إيصال القضايا المطروحة بشكل مقتضب ونافذ، سواء تعلق الأمر بقضايا العلاقة بين الجنسين وقضايا الأسرة أم قضايا الممارسة والفعل السياسين أو قضايا الحضور الديني داخل العلاقات المنظمة للمجتمع. يعتمد النص على كتابة مسرحية تكاد تكون شذرية بمعنى أنها لا تعتمد استرسالية خطية كلاسيكية في سرد الأحداث بقدر ما تختزل الأسئلة والقضايا بتحكم صارم وباقتضاب كبير في اللغة لفائدة طرح مواقف ومسائلتها داخل نسق العلاقات التي أنتجتها. نقطة أهمية مضافة تتجلى في إيقاع وشكل الكتابة المسرحية في نص "دموع بالكحول"، فشخصيات المسرحية، جميعها، خصها الكاتب بمونولوغات أو خطب مسهبة (tirades) إمعانا في تقريب القارئ من حالاتها النفسية أكثر وإبرازا لوحدتها وخلوتها الباردة، ولكن أيضا بحوارات ثنائية، ثلاثية ورباعية، وفق هندسة رياضية نغطي كل الاحتمالات مما منح النص إيقاعا مضبوطا و"صنعة" مسرحية متميزة….قراءة ممتعة …
رشيد برومي
Entretien autour du spectacle « Larmes de khôl » avec le dramaturge Issam El yousfi
Issam El yousfi est dramaturge, traducteur et professeur chercheur dans le domaine théâtral. Il est titulaire d'un doctorat en "art du spectacle" de l'université de Paris VIII. Il enseigne la dramaturgie et l'écriture théâtrale à l'ISADAC, dont il était également directeur. Il est adaptateur et traducteur de plusieurs auteurs notamment B.M. Koltes, M.Schisgal et A. Chédid. Il a aussi publié en tant que pédagogue et critique plusieurs articles liés à la formation théâtrale et la théorie des genres artistiques. Auteur aussi d'un ouvrage intitulé : « Théâtre et cinéma une esthétique de "l'impur" ». Sa nouvelle pièce « Larmes au Khoul » est montée par la compagnie Anfass dans une mise en scène signée par Asmaa Houri. La première de cette pièce sera donnée le lundi 18 février à 20h au Théâtre National Mohamed V à Rabat.
Question. Votre nouvelle pièce « larmes au khoul » a été montée cette saison par la metteuse en scène Assma Houri ; de quoi parle l’histoire de ce texte ?
C’est l’histoire de trois femmes qui se cherchent dans la vie ; elles sont en quête d’un fragment de bonheur … Au fil du temps et des déceptions qui se succèdent, elles se sentent sacrifiés et trahies… toutes les relations que vivent Nada, Sofia et Nora sont compliquées, violentes et sans issues. L’oppression est un combat qui se vit au quotidien : dans le couple, dans la famille, dans le boulot et même dans le rêve… La femme divorcée qui veut fuir avec ses deux enfants ou la femme désabusée par la lâcheté et les promesses non tenues ou la femme en attente d’un lendemain qui n’arrive pas... C’est l’histoire aussi d’un homme qui a réussit « son ratage » ; un professeur médecin militant de gauche qui ouvre les yeux et se retrouve dans le vide et tente de se mettre debout et retombe..
Question. Comment s’est fait l’enfantement de la pièce « larmes au khoul » ?
L’enfantement proprement scriptural du texte « larmes au khoul » s’est fait dans un temps fragmentaire et prolongé ; ses personnages étaient enfouis dans la mémoire et l’imaginaire d’une manière impressionniste… Les portraits et les motivations des quatre protagonistes Nada, Sofia, Nora et Ahmed sont devenus visibles progressivement dans le temps ; ils ont pris vie et sens dans l’acte d’écriture et de tissage de l’histoire qui les réunie… C’est des parcours atypiques et décousus qui se présentent timidement et violement sous forme de témoignages indignations sur la vie et la non vie de l’être femme ici aujourd’hui… leurs mots sont chargés de larmes ; pour lever le voile sur les rêves avortés et les blessures cachées… Des paroles interrogatoires pour questionner aussi la grande histoire, celle d’un pays et celui d’un conditionnement socioculturel qui pèse… Un questionnement douloureux sur le sens que nous voulons donner à notre existence et sur notre rapport au monde qui nous entoure…
Question. La forme et le style choisis pour racontée votre histoire sont assez modernes ; elles rejoignent un peu le thème et les idées ?
Oui, la forme et la langue d’écriture recherchées pour raconter cette fable tentent, à leur manière, de saisir la complexité et l’éclatement de notre univers quotidien ; elles se construisent sur un réseau de crises dispersées et qui fonctionnent en échos… Le poétique cherche à se loger entre l’anecdotique et le réfléchi ; il les traverse et les relie pour créer une tension dramatique permanente… Dans « Larmes de khôl » il y a peu de psychologie et de caractérisation ; juste des situations et une langue dans lesquelles vivent des êtres proches de nous….
Question. Et la mise en scène… ?
Le rapport entre le dramaturge et le metteur en scène est assez souvent complexe et rempli de paradoxes ….pour l’écrivain, au début on est un peu fragile, on ne sait pas ce que va penser le metteur en scène du texte… une fois il adhère à l’histoire, on a peur qu’il prenne trop de liberté ou qu’il déforme le sens… Pour le cas de cette expérience, la rencontre avec Asma la metteuse en scène du texte est une rencontre heureuse dans la mesure où j’ai retrouvé dans sa lecture scénique et sa vision l’essence de mon histoire et elle m’a aussi agréablement surpris par des solutions scéniques que je n’avais pas en tête et qu’elle a trouvé entre les lignes… des trouvailles telles que les scènes du collier ou de la pomme ou celle des habits… puis la conception globale de mise en scène qui se fonde sur le travail de chœur permet de dynamiser les relations entre les personnages et créer un univers chargé d’émotions et de sens… c’est une rencontre heureuse aussi avec les quatre interprètes qui ont mis leurs corps et leurs âmes dans la langue du texte et dans la vision de mise en scène… La proposition musicale composée par Rachid Bromi pour ce spectacle enveloppe intelligemment l’histoire et lui donne une belle odeur… la touche du scénographe El Haouasse et de la costumière Badria vont aussi dans le même sens…
Question. Une question par rapport au public… c’est un texte tragique et un peu élitiste non ?
Non, non pas du tout… l’enjeu dans ce genre de choix, c’est de toucher un public large et multiple, et aussi, rester exigeant au niveau du texte, de l’écriture et de la vision proposée. Mon ambition et celle de notre troupe Anfass est de proposer un théâtre d’idée qui interroge les vraies questions de notre société et de chercher un style artistique nouveau qui permet de s’ouvrir et répondre à l’attente d’un public… Le spectacle « Larmes de Khôl » peut toucher aussi bien un spectateur « averti » comme il peut toucher aussi un spectateur «ordinaire»… il fait vivre le public des situations et des émotions profondes mais accessibles à toutes et à tous…. Venez voir et vivre l’expérience pour vérifier la chose…
Rabat le 8 février 2013